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MAMBA POINT BLUES

GANGSTERS, MÉCÈNES DU JAZZ. L'étonnante histoire du mariage de la musique avec la mafia.

GANGSTERS, MÉCÈNES DU JAZZ. L'étonnante histoire du mariage de la musique avec la mafia.

Plutôt que faire la promo d'un livre qui ne sortira qu'en septembre 2021, plutôt que le divulgâcher en en racontant l'histoire (de toute manière pas vraiment racontable), en guise de bibliographie commentée, je vais vous présenter les livres disponibles en langue française qui ont servi à ma documentation. Sans respecter l'ordre chronologique de mon livre où il est beaucoup question de jazz, je commence par une histoire de mauvais garçons qui aimaient le musique :

LE JAZZ ET LES GANGSTERS, par Ronald L. Morris, Le Passage Paris New-York éditions, 2016, 318 pages, 11,50€

 

Généralement lorsque l'on pense à l'histoire de l'Amérique à la charnière des XIXe et XXe siècles jusqu'à la Grande dépression des années '30, on met d'un côté la vie des Noirs, leur misère, la ségrégation et leur musique, le jazz, et, d'un autre côté, celle des gangsters, leurs mitraillettes Thomson dans les étuis à violon, les speakeasies, l'alcool prohibé et les filles en colliers de perles qui dansent le charleston.

Pourtant, ces deux communautés ont eu à partager bien plus qu'on le croit. D'abord, le statut de parias.

Les Noirs parce qu'ils étaient encore frappés du sceau de l'esclavage transformé depuis l'abolition en persécutions, en chômage et, au mieux, travail précaire sous-payé.

Les gangsters parce qu'ils avaient constitué la grande seconde vague de migrants, pour beaucoup juifs d'Europe centrale et catholiques italiens, mal vus par les communautés de Blancs-anglo-saxons-protestants (WASP). Selon le principe universel du migrant plus ancien qui ferme la porte aux nouveaux arrivants, ces "américains de souche" ont tout de suite tenté d'endiguer le flot en votant des lois anti-immigration et, pour ceux qui entraient quand même, de les employer aux mêmes conditions que les Noirs.

 

Mieux organisés, gardant des liens avec leur pays d'origine, plus combatifs, ces nouveaux migrants n'avaient pas été brisés par l'esclavage pouvaient se mélanger aux Blancs "historiques" car les lois dites Jim Crow organisant la ségrégation ne les concernaient pas. Ils ne se sont pas laissés prolétariser par l'élite blanche. Pour en tirer de l'argent, ils ont trouvé des moyens plus efficaces que le travail en usine.

Est venu le temps de la Prohibition. S'est ouvert l'immense marché illégal de la production, du trafic, de la vente d'alcool. Marché d'autant plus prospère que les mêmes élites, industriels, politiciens, financiers, gradés de la police fréquentaient les bars interdits et les arrière-salles de jeu, tout aussi prohibées.

L'alcool coulait à flots clandestins et l'argent circulait en proportion. Ceux des nouveaux migrants qui s'étaient enrichis en devenant des gangsters ont investi dans des lieux où la bonne société pouvait trouver un exutoire au puritanisme légal qu'elle avait elle-même instauré : bars, restaurants, boîtes de nuit de plus en plus grandes et luxueuses.

 

À New York et Chicago les gangsters juifs et italiens ont ouvert les plus belles boîtes de nuit. Mais, pour que les magnifiques Gatsby viennent y dépenser leurs dollars, il fallait aussi du spectacle.

Les patrons mafieux qui n'avaient pas les préjugés racistes des anciennes générations, ont vite vu que les Noirs produisaient une musique nouvelle, entraînante, trépidante comme l'époque. Le public des villes en pleine expansion ne voulait plus entendre le vieux folklore américain, pas plus que la musique classique européenne. Le jazz en train de naître avait besoin de capitaux pour se développer : salles de concert, temps de répétitions, recrutement de talents, création de grands ensembles pour des boîtes comme le célèbre Cotton Club ou l'Apollo Theatre. Ainsi est née l'association mutuellement profitable des gangsters et des musiciens noirs.

 

Ce que raconte le livre très documenté de Ronald L. Morris est l'histoire d'un mécénat qui a permis aux plus grands musiciens et aux plus magnifiques formations de jazz d'acquérir une notoriété mondiale et de faire de cette "musique de Nègres", un formidable étendard de la modernité du Nouveau monde, grâce à l’association de deux communautés de parias. Il aura suffi d'une dizaine d'années (les roaring Twenties, les années folles), de la fin de la première guerre mondiale au krach boursier de 1929 pour propulser cette musique au rang de musique classique, voire symphonique, avec des compositeurs comme Duke Ellington, George Gershwin, Irving Berlin... Avec la Grande dépression, l'argent a cessé de couler comme avant, mais le jazz était lancé, toujours renouvelé depuis.

 

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